Le laboratoire Métaphysique Allemande et Philosophie Pratique (MAPP) de l’université de Poitiers organise un colloque sur Homère et les philosophes*. Ce sujet a peu été traité par les philosophes universitaires alors qu’il existe de nombreuses références à Homère dans la philosophie antique et moderne. Cette rencontre a pour visée de dresser une cartographie de ces références et de comprendre pourquoi l’œuvre d’Homère est toujours un terrain d’études passionnant qui nous interroge sur des questions contemporaines. Sylvain Roux, professeur de philosophie ancienne et organisateur de ce colloque nous invite à découvrir Homère sous l’angle de la philosophie.

Pourquoi avoir choisi Homère comme thème de ce colloque ?

Sylvain Roux : Le point de départ a été de se demander pourquoi les philosophes universitaires ne se sont pas davantage appropriés Homère. Nous l’avons en quelque sorte laissé à des auteurs qui s’adressent à un grand public et qui le font par ailleurs très bien à leur manière, avec par exemple l’ouvrage de Sylvain Tesson, Un été avec Homère, alors qu’il y a selon nous matière à un traitement plus technique, plus approfondi. Il fallait donc combler ce manque, se réapproprier la question de l’œuvre d’Homère.

Il y a également quelque chose d’un peu étrange. Homère a toujours intéressé les historiens, les littéraires, les philologues mais on compte très peu de travaux universitaires réalisés par des philosophes alors qu’il est présent dans l’histoire de la philosophie et parfois de façon inattendue : le grand philosophe anglais Thomas Hobbes cherchait, à la fin de sa vie, à traduire Homère. Il existe de nombreux textes qui font référence à Homère mais qui n’ont pas suscité une littérature chez les spécialistes de la philosophie. Ce colloque va tenter de proposer ce qui sera un premier travail d’ensemble sur cette question là.

 

Pourquoi l’œuvre d’Homère est intéressante pour les philosophes ?

Sylvain Roux : Les textes non philosophiques ont une teneur philosophique et peuvent nous aider à penser des questions philosophiques. L’Iliade et l’Odyssée sont des textes qui décrivent des éléments fondamentaux de la condition humaine, aussi il est étonnant que des philosophes ne s’emparent pas de cela. La colère d’Achille, cet homme qui se révolte contre les décisions d’Agamemnon, renvoie à une question éternelle : le sentiment face à une injustice et le désir de vengeance. Le retour d’Ulysse à sa patrie, auprès des siens, c’est à la fois la quête de l’origine et la question de l’identité. Toutes ces questions continuent d’être les nôtres aujourd’hui, Homère renvoie à des problématiques contemporaines sur lesquelles nous devons réfléchir.

A travers ce colloque, nous souhaitons montrer que si des philosophes se sont intéressés à Homère, c’est parce qu’ils y ont trouvé une actualité. Il y aura ainsi des conférences sur des philosophes contemporains : Heidegger, Adorno, Horkheimer… On se demandera ce qui est éternel dans les œuvres d’Homère.

loque : Homère et les philosophes. Lecture et usages d'une oeuvre dans l'histoire de la philosophie

 

Quelle place tient ce sujet au sein du laboratoire MAPP ?

Sylvain Roux : Personnellement, en tant que spécialiste de philosophie ancienne, j’occupe une place particulière dans le laboratoire MAPP, dont les axes de recherche sont la philosophie allemande depuis Kant jusqu’à aujourd’hui et la philosophie pratique (philosophie morale et politique, sociale…). Mais nous avons toujours considéré que la philosophie ne peut exister que si elle s’appuie sur une réflexion fondamentale sur les grandes questions métaphysiques, qui détermine ensuite la manière dont on peut faire par exemple de la philosophie pratique. La philosophie s’est toujours appuyée sur des grandes réflexions comme par exemple « quel est le sens de l’être ? ». La philosophie ancienne et la métaphysique peuvent donc contribuer à établir un lien entre les différentes branches de la philosophie.

Et c’est également l’esprit de ce colloque qui va réunir des philosophes de spécialités universitaires différentes autour d’un programme pluridisciplinaire. La 1ère journée est consacrée à l’Antiquité, notamment l’Antiquité tardive. On va entendre des interventions originales sur des auteurs sur lesquels il n’y a jamais eu de travaux consacrés à leurs rapports à Homère. Le 2e jour s’ouvre sur la philosophie à partir de la Renaissance, avec des communications aussi bien sur Montaigne que des auteurs de philosophie allemande.

 

Pouvez-vous nous donner un avant-gout du colloque avec un exemple d’une contribution prévue ?

Sylvain Roux : On peut citer par exemple l’intervention de Sophie Van der Meeren sur Boèce, un auteur chrétien de l’Antiquité tardive, qui a écrit un ouvrage intitulé La consolation de la philosophie. Or, des références importantes à Homère parcourent son texte et montrent que même chez un auteur chrétien, le poète vient fournir des éléments qui permettent de nourrir une réflexion portant sur la manière d’affronter les maux de l’existence.

 

* Le colloque « Homère et les philosophes. Lecture et usages d’une œuvre dans l’histoire de la philosophie » aura lieu les 21 et 22 mars 2019. En savoir plus…

 

Sylvain Roux est Professeur en philosophie ancienne, responsable du Master de Philosophie de l’université de Poitiers et membre de l’EA 2626 « Métaphysique allemande et Philosophie pratique ». En savoir plus..

 

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