Les humains appartiennent à un vaste groupe de primates, les anthropoïdes, dont le lieu d’émergence, Afrique ou Asie, est débattu. Une équipe paléontologique internationale pilotée par le laboratoire PALEVOPRIM (CNRS/Université de Poitiers) a publié dans la revue Nature Communications un genre inédit d’anthropoïde découvert en Birmanie et daté de 40 millions d’années. Cette découverte renforce l’hypothèse d’une émergence asiatique de notre groupe souche.

Les anthropoïdes sont un groupe de primates représenté par les singes du Nouveau Monde (platyrrhiniens) et les singes de l’Ancien Monde (catarrhiniens), ces derniers incluant notamment les grands singes et la lignée humaine (Figure 1). Ces primates se distinguent des lémurs et tarsiers notamment par la morphologie de leurs dents et de leur crâne.

 

 

Figure 1 : Arbre simplifié présentant les relations de parenté au sein des primates.
Les formes fossiles africaines sont en rouge, les formes asiatiques apparaissent en vert. La position retrouvée pour Aseanpithecus est plus fréquemment en 1 ou en 2, suggérant une grande proximité avec l’ancêtre commun entre les singes de l’Ancien Monde (humains inclus) et ceux du Nouveau Monde.

Figure 1 : Arbre simplifié présentant les relations de parenté au sein des primates.

 

Depuis plusieurs décennies, les paléontologues s’efforcent de mieux comprendre les premières phases de l’évolution des anthropoïdes. Cette recherche est délicate car les anthropoïdes fossiles sont rares et ne présentent qu’une partie des caractères typiques des représentants actuels du groupe. Les plus anciens anthropoïdes avérés sont datés de 45 millions d’années. Malgré ces découvertes, la connaissance du début de l’histoire des anthropoïdes est très lacunaire.

Les primates anthropoïdes ont longtemps été considérés comme ayant émergé sur le continent afro-arabique où ils sont enregistrés entre 39 et 32 millions d’années. Cependant, des découvertes successives en Chine et en Birmanie d’anthropoïdes primitifs dans des localités datées entre 45 et 40 millions d’années ont amené à privilégier l’hypothèse d’une origine asiatique du groupe. L’équipe paléontologique Franco-Birmane pilotée par des membres du laboratoire PALEVOPRIM travaille depuis 20 ans afin de mieux comprendre l’évolution de ces premiers anthropoïdes en Asie.

Figure principale. Fragments de mâchoires et molaire isolée appartenant à Aseanpithecus myanmarensis
Figure principale. Fragments de mâchoires et molaire isolée appartenant à Aseanpithecus myanmarensis, nouvel anthropoïde découvert dans la formation de Pondaung (Birmanie, 40 millions d’années). Barres d’échelles = 5 mm pour a-g et 1 mm pour h-i.

Le travail de fouilles réalisé lors des missions de terrain 2015 à 2017 (Figures 2 à 4) a permis de mettre au jour un nouveau primate vieux de 40 millions d’années, Aseanpithecus myanmarensis, qui renforce et affine le scénario d’un peuplement du continent africain par les anthropoïdes asiatiques.

Aseanpithecus n’appartient à aucun groupe connu d’anthropoïdes asiatiques et pourrait donc représenter une toute nouvelle famille, plus proche des anthropoïdes africains. Ce nouveau primate présente une combinaison unique de caractères crâniens primitifs et de caractères dentaires modernes partagés avec les anthropoïdes africains. Cette combinaison de caractères indique que la denture des anthropoïdes est devenue moderne bien avant la structure du crâne. En outre, la découverte d’Aseanpithecus suggère que le peuplement de l’Afro-Arabie par les anthropoïdes asiatiques n’a pas uniquement concerné des anthropoïdes primitifs comme envisagé précédemment mais aussi des formes plus avancées.

D’autres groupes de mammifères originaires d’Asie (certains rongeurs et artiodactyles) sont également arrivés en Afrique et attestent de multiples événements de dispersions à cette époque, dont certains ont impliqués des primates anthropoïdes. Des reconstructions paléogéographiques indiquent qu’un étroit océan Téthys séparait l’Eurasie de l’Afro-Arabie, ce qui pose le problème de la voie de dispersion de ces mammifères. Parmi divers scénarios envisagés, la microplaque iranienne pourrait avoir servi de voie de dispersion à travers la Téthys. Une hypothèse alternative est celle d’une dispersion via des radeaux naturels formés par des débris de végétaux charriés par les fleuves.

 

Figures 2, 3, 4.

Figure 2. Site de Paukkaung Kyitchaung 2 (PK2) dans la formation de Pondaung (Birmanie) où Aseanpithecus a été découvert.
Figure 2. Site de Paukkaung Kyitchaung 2 (PK2) dans la formation de Pondaung (Birmanie) où Aseanpithecus a été découvert.

 

 

Figure 3. Maxillaire holotype d’Aseanpithecus après sa découverte et son dégagement.
Figure 3. Maxillaire holotype d’Aseanpithecus après sa découverte et son dégagement.

 

 

Figure 4. Travail de terrain de l’équipe paléontologique Franco-Birmane. De haut en bas: travail au site d’excavation de la localité PK2, échantillonnage et tri des blocs fossilifères, opérations de tamisage des échantillons séchés.
Figure 4. Travail de terrain de l’équipe paléontologique Franco-Birmane. De haut en bas: travail au site d’excavation de la localité PK2, échantillonnage et tri des blocs fossilifères, opérations de tamisage des échantillons séchés.
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