Sept étudiants en physique, de l’école normale supérieure d’Haïti à Port-au-Prince, sont arrivés mi-octobre 2021 à l’université de Poitiers dans le cadre du programme Erasmus de mobilité internationale de crédits : Charlo Charlima, Louis-Roodlin Hibart, Wilbert Louis Jean, Ronys Kenel, Jean-Claude Lysias Orellus, Jean Michel Pierre et Edrice Pierre-Louis. Entretien avec l’un d’entre eux, Jean-Claude Lysias Orellus.

Peux-tu décrire ton parcours depuis le lycée ?

Jean-Claude Lysias Orellus.En 2012, j’ai été diplômé du baccalauréat au Collège Classique de Bayonnais aux Gonaïves (Artibonite) ; ensuite, en 2013, j’ai réussi le concours d’entrée à l’université publique de l’Artibonite aux Gonaïves (UPAG). Après deux années d’études en sciences administratives dans cette université, je me suis aperçu que ce sur quoi se portait le plus mon intérêt était tout ce qui avait trait à la physique. Je me suis alors renseigné sur les différentes entités de l’université d’état d’Haïti (UEH) où je pouvais étudier la physique. En 2015, j’ai été reçu au concours de recrutement de l’école normale supérieure (ENS) d’Haiti qui est une composante de l’UEH dans le département de physique ( il y avait 25 places pour tout le pays dans ce département).

Quel parcours as-tu suivi à l’ENS ?

En 2020, j’ai reçu mon diplôme de licence de physique parmi 17 autres diplômés de l’ENS. Certains diplômés envisageaient de commencer un cycle d’études de master et d’autres souhaitaient rentrer dans la vie active en commençant à enseigner dans un établissement d’enseignement secondaire. Il existe en effet un accord entre l’ENS et le ministère de l’éducation nationale qui permet à un diplômé de licence, en ajoutant un stage pratique d’enseignement à sa formation, d’être nommé comme professeur dans le secondaire (avec un master, les possibilités sont plus larges et peuvent conduire à un poste à l’université).

Que s’est-il passé depuis que tu as obtenu ta licence ?

Après avoir obtenu ma licence de physique, j’ai continué à travailler, en particulier, j’ai donné des cours au collège Jean-Jacques Rousseau Tabarre à Port-au-Prince. Et j’ai enfin pu démarrer mon cursus de master en arrivant à Poitiers en octobre 2021.

Connaissais-tu le programme Erasmus auparavant ?

Lorsque j’ai été sélectionné, la connaissance que j’avais du programme Eramus venait essentiellement de mes lectures sur des sites Internet, mais je n’en avais pas entendu parler de manière institutionnelle . Je savais — comme chaque étudiant de l’ENS — que l’ENS et l’université de Poitiers avaient des accords de collaboration pour faire fonctionner le master de physique à l’ENS, et donc qu’il y avait une possibilité de faire la master à Port-au-Prince, avec des enseignants qui viendraient pour partie de Poitiers. Mais dans les dernières années, la situation politique en Haïti a empêché le bon fonctionnement de ces collaborations en interdisant, concrètement, les mobilités de professeurs de Poitiers.

Et tu as été sélectionné pour venir étudier à Poitiers…

Sur les 17 étudiants de l’ENS ayant obtenu leur licence de physique en 2020, 7 étudiants ont été sélectionnés par l’ENS pour venir faire leur première année de master à Poitiers. À cause de la situation politique en Haïti, il n’y a pas, cette année, de cours de master à l’ENS et les autres diplômés de licence ont d’autres activités en attendant que les enseignements du master redémarrent.

Comment as-tu préparé ton voyage ?

Toutes les démarches nécessaires pour venir à Poitiers ont été assez longues à faire, entre l’inscription dans les programmes de Campus France et les demandes de visa et, en conséquence, l’arrivée à Poitiers a été très retardée.
La bourse Erasmus couvre tous les frais que l’on peut engager pour effectuer une mobilité d’échange à Poitiers mais, initialement, nous n’avions pas envisagé de faire l’avance des frais de voyage (billet d’avion, en particulier) et tout ceci a été compliqué du fait de la situation politique en Haïti. En plus, les préparatifs de départ nous ont mis très en retard pour l’arrivée à Poitiers et nous n’avons pas eu beaucoup de possibilités pour arriver au plus vite en France : moi, par exemple, j’ai dû me rendre en avion-taxi en République Dominicaine, à Saint-Domingue, pour pouvoir ensuite prendre un vol Air France qui m’a amené à Paris.

Comment s’est passée l’arrivée en France ?

À l’aéroport Charles de Gaulle, nous avons été accueillis par un professeur de l’ENS — qui a récemment soutenu son doctorat de physique à Poitiers — qui était en France à l’époque où nous sommes arrivés ; il nous a conduits de l’aéroport à la gare Montparnasse en taxi et là, nous avons pris un train pour Poitiers.

Pour notre hébergement, l’université de Poitiers nous avait réservé des logements dans différentes résidences ; personnellement, je loge à Poitiers dans le quartier de Saint-Éloi, comme un autre de mes camarades, dans un appartement T1, et d’autres sont logés à la résidence Canole ou bien à la résidence Michel Foucault.

Comment vous êtes-vous habitués à Poitiers ? Cela a-t-il été difficile ?

Pendant l’hiver, à Poitiers, il fait froid. Ça a été très dur pour nous au début et cela le reste toujours un peu. Par ailleurs, à Poitiers, en hiver, il ne fait pas jour au moment où l’on se lève pour venir à l’université alors qu’en Haïti, il fait toujours soleil dès cinq heures du matin. Mais, finalement, nous nous sommes habitués, au climat, au département de physique, à la faculté des sciences, à l’université, et nous avons eu plaisir à étudier ici.

Quelle formation avez-vous suivie à l’université de Poitiers ?

La formation que nous avons suivie comportait des cours de master de physique du parcours EUR INTREE, sciences de la matière (des cours de physique quantique et physique statistique, en particulier) et des cours dans le parcours « Ingénierie des matériaux hautes performances et développement durable ».

Qu’envisages-tu de faire par la suite ?

Pour ma part, si je valide ma première année de master, j’aimerais continuer l’an prochain avec la seconde année, de manière à obtenir mon master de physique en fin d’année prochaine. Et ensuite, poursuivre mon parcours en doctorat de physique (dans un domaine proche de la physique statistique ou des semi-conducteurs) pour, un jour, pouvoir revenir à Port-au-Prince et, pourquoi pas, enseigner à l’université, peut-être à l’ENS, ou bien créer une entreprise dans mon pays.

Que peux-tu nous dire en conclusion ?

La vie à Poitiers a été assez agréable pour nous : c’est une petite ville, tranquille, où il fait bon étudier ; les transports en commun y sont bien organisés, sont facilement accessibles, on peut facilement s’y déplacer à vélo. L’un de nous (Charlo) a même trouvé à Poitiers une famille d’accueil qui l’a reçu pour les fêtes de fin d’année. Personnellement, j’ai eu l’occasion de visiter Paris cette année, c’est une ville qui est trop importante, avec beaucoup trop de monde, on y est un peu stressé. Enfin, la bourse Erasmus que nous avons reçue nous a permis de vivre confortablement cette année à Poitiers et même de mettre un peu d’argent de côté pour pouvoir continuer à étudier en France dans des conditions convenables.

Nou kwè nan ledikasyon espesyalman lasyans ak rechèch paske se zouti sila yo ki kapab ede nou konpran’n kiyès nou ye, ki kote nou soti ak ki wout nou dwe pran pou yon demen miyò.

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