Comment a germé l’idée de ce colloque ?
Emma Fiedler : « L’idée est apparue pour la première fois il y a un an alors que nous assistions à un séminaire de philosophie du droit proposé par Damien Fallon ».
Damien Fallon : « Effectivement, pendant ce séminaire, nous avons discuté d’un courant apparu aux Etats-Unis dans les années 70 : « Droit et littérature ». Ce courant a ressurgi en France, il y a 5 ou 6 ans, sous une forme élargie « Droit et Pop culture ». Des universités ont alors travaillé sur le lien entre le droit et des séries TV, des films ou des BD avec notamment Star Wars, Le Seigneur des anneaux, Game of thrones ou même Kaamelott ».
EF : « Alors on s’est dit pourquoi pas faire ça à Poitiers !? Ensuite, quand on a évoqué les divers thèmes traités par les autres universités, on s’est rendu compte que Harry Potter avait été peu voire pas du tout traité dans le cadre d’un colloque ».
DF : « On cherchait un thème fédérateur qui soit ludique pour le grand public et pas trop traité comme l’avait été Star Wars par exemple. Et Harry Potter est devenu une évidence ».
En quoi l’univers d’Harry Potter est un terrain d’études intéressant pour le droit ?
DF : « Dans la spécialité « Droit et littérature » ou « Droit et fiction », il y a 2 branches : l’étude du droit à partir des œuvres de fiction ou cette dernière va être le prétexte à l’étude du droit dans nos sociétés. On va se servir de l’œuvre d’Harry Potter pour montrer par comparaison comment cela se passe ici en France. La 2e branche consiste à étudier le droit directement dans les œuvres de fiction. Pour les juristes, cette démarche est intéressante, à la fois pour comprendre comment les non juristes envisagent le droit mais aussi parce qu’elle nécessite d’interpréter les œuvres. Comprendre comment on interprète une œuvre littéraire peut permettre d’aider à comprendre comment, par exemple, un juge interprète un texte de loi ».
EF : « Et pour permettre ces deux démarches, il fallait une œuvre suffisamment riche avec un monde suffisamment élaboré pour avoir de la matière. On s’aperçoit que lorsque l’on fait vivre des personnages de fiction, nécessairement ils évoluent dans un environnement politique, juridique … ».
DF : « A partir du moment où il y a une société, il y a des règles et donc un terreau, des choses à analyser pour les juristes ».
Plus concrètement, quel genre de question va-t-on se poser pendant le colloque ?
EF : « On peut citer par exemple l’intervention de Romane Mondonnet, doctorante à l’université de Poitiers, qui va traiter de la législation en matière d’ordre public et du ministère de la magie qui fait figure d’autorité dans le monde d’Harry Potter. Finalement une forme de droit comparé entre le droit chez nous et celui d’Harry Potter ! On se rend compte qu’il y a toute une réglementation qui est sous-jacente dans l’œuvre. Par exemple, dans le 5e volet de la saga, quand Harry Potter se fait arrêter, la procédure est limpide : il passe devant une cour, il se fait juger…
Un autre exemple avec Leslie Amrane, doctorante à l’université de Poitiers qui va nous parler des œuvres transformatives ou fan fictions : les production écrites, dessinées… que peuvent réaliser les fans à partir de l’œuvre originale. Quel statut ont ces œuvres ? Jusqu’où va le droit des fans face au droit de l’auteur à dire non ? Par exemple George R. R. Martin (Game of thrones) refuse catégoriquement les fans fictions écrites (toute forme de réécriture de son histoire) et il en a parfaitement le droit. Au contraire, J.K. Rolling (Harry Potter) partage souvent sur ses réseaux, des œuvres de fans fiction qu’elle apprécie. Leslie Amrane va décortiquer ce sujet car finalement cette possibilité de faire des œuvres transformatives est une exception au droit d’auteur ».
Comment avez-vous construit le programme ?
DF : « Nous n’avions pas de problématique prédéfinie. Les intervenants ont proposé des communications sur les thématiques qui les intéressaient. Et on a regardé comment toutes ces contributions pouvaient s’articuler. On a ensuite réalisé un programme en entonnoir avec des discussions plus générales autour de la découverte de l’univers de Harry Potter en début de colloque (accès à l’œuvre et au monde des sorciers). Puis les discussions s’orienteront vers les fonctions du droit : encadrer, protéger ».
Le Colloque « Harry Potter et le droit » aura lieu le 23 mai 2019 de 9h30 à 17h30 à la Faculté de droit (Centre ville de Poitiers – 15, rue Sainte-Opportune — Amphithéâtre Carbonnier).