Bob Beamon, Nadia Comaneci, Michael Phelps, Usain Bolt et quelques autres légendes du sport partagent un point commun : ils ont battu le record du monde ou atteint la perfection dans leur discipline en finale des Jeux Olympiques. Exemples parfaits d’une planification à court et à long terme réussie, ces exploits sont exceptionnels. Ils reposent en premier lieu sur des phases d’entraînement intenses et parfaitement contrôlées, dont l’objectif est d’obtenir des adaptations physiologiques de grande amplitude. Le revers de ces phases d’entraînement est qu’elles s’accompagnent également d’un niveau de fatigue très élevé, parfois à la limite du surmenage, qui est susceptible d’avoir un effet négatif sur la performance à court terme. Pour qu’elles puissent donner leur pleine mesure, ces phases d’entraînement intenses doivent donc être programmées en alternance avec des phases d’entraînement réduit, généralement qualifiées de phases d’affûtage.
L’objectif de l’affûtage est de diminuer la fatigue accumulée lors des cycles d’entraînement précédents et de stimuler encore plus les processus d’adaptation afin d’atteindre une performance optimale. Cette phase, qui est habituellement programmée lors des deux à trois dernières semaines avant les compétitions majeures, est associée à un gain de performance de l’ordre de 2%. S’il peut apparaître comme marginal à première vue, ce bénéfice peut toutefois changer la carrière d’un sportif de haut niveau, puisqu’il correspond à la différence moyenne de performance entre la médaille de bronze et la huitième place lors des épreuves de natation aux Jeux Olympiques.
S’ils sont conscients de cet enjeu, les athlètes et les entraîneurs connaissent la difficulté à gérer cette phase très courte, qui est sensible à la moindre erreur de programmation. Ils savent également que l’adaptation des contenus d’entraînement aux caractéristiques individuelles de chaque athlète, qui est la clé de la performance à très haut niveau, est un processus qui s’inscrit dans le temps et qui nécessite d’être outillé. Dans le contexte de la préparation pour une compétition comme les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, cela signifie qu’il faut 1) établir une stratégie d’évaluation du niveau de fatigue des sportifs, 2) identifier les conditions d’efficacité des interventions qui permettent de diminuer ce niveau de fatigue, puis 3) accompagner les équipes techniques afin qu’elles puissent construire progressivement une stratégie de préparation terminale qui s’appuie à la fois sur des données probantes et sur une mise en œuvre empirique qui prend en compte les caractéristiques de chaque athlète et de son environnement.
C’est à ces objectifs que va répondre le projet D-day, coordonné par le Pr. Laurent Bosquet (laboratoire MOVE, Faculté des sciences du sport, Université de Poitiers), en partenariat avec la Fédération Française de Natation, le Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS), le Centre de Ressources d’Expertise et de Performance Sportive (CREPS) de Poitiers, l’Institut National du Sport de l’Expertise et de la Performance (INSEP), l’Institut P Prime (CNRS, Université de Poitiers) et l’Institut de Recherche Biomédicale des Armées (IRBA).
Le projet est organisé en sept lots répartis en deux phases de deux ans. La première phase est destinée à obtenir les données probantes qui manquent aujourd’hui pour proposer des stratégies de récupération qui reposent sur des évidences scientifiques robustes. Plusieurs pistes seront étudiées, dont l’effet de différentes stratégies d’exposition au froid sur la récupération et sur la qualité du sommeil. L’objectif de la seconde phase est de co-construire une stratégie de préparation terminale avec chaque nageur et chaque nageuse de l’équipe de France. Ces stratégies individuelles seront ensuite testées juste avant les championnats de France de 2022 et les championnats du monde de 2023, afin de bénéficier d’une stratégie optimisée pour les Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris en 2024.
Ce projet a bénéficié d’un financement de l’ANR de 1 376 765€. Outre l’acquisition des équipements scientifiques et techniques requis pour la mise en œuvre des différents lots, il permettra le recrutement de 7 personnes ETP (un chef de projet pendant 4 ans, cinq post-doctorants pendant 2 à 3 ans et un ingénieur de recherche pendant 2 ans).