Les formes de vie anciennes étaient déjà des expertes de la survie. Pourtant, au fil du temps, les organismes ont développé des moyens de résister à ses effets dangereux. Cependant, les scientifiques en savaient peu sur le moment où ces stratégies de survie étaient apparues dans l’histoire de la Terre. Une équipe internationale de chercheurs, coordonnée par le professeur Abderrazak El Albani, enseignant-chercheur à l’Institut de Chimie des Milieux et Matériaux de Poitiers (IC2MP – CNRS / Université de Poitiers), a étudié des fossiles vieux de 2,1 milliards d’années appartenant aux plus anciens fossiles d’organisme complexes du bassin de Franceville au Gabon, qui incluent certains des plus anciens eucaryotes connus (organismes à cellules complexes). En utilisant des techniques de pointe à très haute résolution comme la tomographie au synchrotron SOLEIL, les chercheurs ont pu retracer pour la première fois la présence et la distribution de l’arsenic dans les restes fossilisés, fournissant ainsi certaines des plus anciennes preuves directes d’adaptation environnementale dans l’histoire de la vie.

Ce travail de recherche impliquant des chercheurs de plusieurs institutions nationales dont le Synchrotron SOLEIL près de Paris, les universités de Paris-Saclay et Toulouse, et internationales représentées par les universités de Cardiff (Angleterre), Lausanne (Suisse) ainsi que le Muséum Nationale d’Histoire Naturelle de Vienne (Autriche), vient d’être publié dans la revue scientifique Nature Communication. Cette nouvelle étude révèle une adaptation précoce du vivant à l’arsenic. L’arsenic est un élément toxique bien connu, nocif pour toute forme de vie sur Terre. Certaines des premières formes de vie complexes sur notre planète avaient déjà trouvé comment survivre face à l’arsenic. Les résultats montrent que ces organismes anciens étaient capables de stocker et d’isoler l’arsenic dans des compartiments spécialisés à l’intérieur de leurs cellules, une manière efficace de neutraliser sa toxicité.

L’enrichissement en arsenic dans ces organismes ne résulte pas d’une contamination ultérieure, mais reflète en réalité une réponse biologique à un stress environnemental. Les auteurs ont constaté que les motifs d’arsenic dans ces fossiles sont distincts de ceux observés dans les structures minérales inertes, ce qui renforce l’idée qu’il s’agissait bien d’organismes vivants complexes et organisés. Cette innovation biologique n’est pas le fruit du hasard mais elle est intimement liée aux changements environnementaux, notamment l’apport de l’oxygène qu’a connu notre planète il y a environ deux milliards d’années.

Sur un plan historique, au-delà de son importance scientifique, l’étude met également en lumière le rôle de la ville de Poitiers dans les recherches liées à l’arsenic. Dans un curieux retournement de l’histoire, la ville de Poitiers est aussi connue pour l’affaire retentissante de Marie Besnard au XXe siècle, une figure locale accusée d’une série d’empoisonnements à l’arsenic qui a captivé la France pendant des années.

Cette découverte non seulement transforme notre compréhension de la manière dont la vie précoce a affronté les défis environnementaux ; mais également replace Poitiers – une fois de plus – au centre de l’histoire complexe de l’arsenic, cette fois par la science, et non par le scandale.

 

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