Quel sportif amateur de plus de trente ans n’a jamais dit de mal du lactate ? Longtemps considérée comme un déchet métabolique, cette molécule produite par les muscles était responsable de tous les maux du corps humain, à commencer par les courbatures… Mais tout ceci est de l’histoire ancienne. Le lactate a regagné les faveurs de la communauté scientifique, tel le phénix qui renaît de ses cendres. La formule est du Pr Georges Brooks, éminent physiologiste de l’université de Berkley. C’est l’un des tout premiers à avoir rétabli la vérité sur ce produit dérivé de l’utilisation des glucides (lire ci-dessous). Désormais le lactate est au centre de nombreuses recherches internationales dont celle pilotée depuis janvier par l’université de Poitiers.
Renforcer la plasticité du cerveau
Nom de code ? ExoLactaBrain. L’enveloppe débloquée par l’Agence régionale de la recherche (ANR) pour financer ce projet est l’une des plus importantes obtenues par le pôle biologie santé de l’établissement lors d’un appel à projet générique. Après plusieurs années passées à étudier les effets de l’activité physique sur les fonctions cérébrales des humains, Olivier Dupuy a formulé une nouvelle hypothèse : « Et si le lactate produit par les muscles, loin d’être dangereux pour le cerveau, renforçait la plasticité cérébrale ? », lance le maître de conférences en physiologie à la faculté des Sciences du sport rattaché au laboratoire Mobilité vieillissement et exercices – MOVE (Université de Poitiers). Comprenez la multiplication de neurones, de synapses et de vaisseaux sanguins.
Pour le démontrer, le chercheur s’est associé au Pr Luc Pellerin, l’un des grands spécialistes du lactate, qui a quitté l’université de Lausanne en 2019 pour rejoindre l’unité Inserm IRMETIST (transplantation d’organes) à l’université de Poitiers et pilote actuellement l’Institut fédératif de recherche (IFR) de Biologie-Santé. Olivier Dupuy est également allé frapper à la porte du Pr Rémy Guillevin, membre du laboratoire de mathématiques et applications (Université de Poitiers – CNRS), et responsable de l’IFR de Mathématiques. Ce médecin radiologue du CHU de Poitiers coordonne tous les usages clinique et recherche de l’IRM 7 Tesla, une technologie encore très peu répandue en France. Avec son équipe et notamment Carole Guillevin, experte en spectroscopie, il va pouvoir mesurer finement et « in vivo » la présence et la trajectoire du lactate dans le corps et dans le cerveau.
Des tests physiques et cognitifs en septembre
A partir de septembre, un panel de candidats âgés de 18 à 30 ans va être soumis à plusieurs exercices physiques afin d’analyser le rôle exact de la molécule. « On sait déjà que le travail intermittent des muscles, autrement dit fractionné, peut conduire à de meilleurs résultats cognitifs. Reste à savoir quel protocole appliqué. » C’est la mission confiée actuellement à Clara Sanches, ingénieure de recherche titulaire d’un master en psychomotricité et d’un doctorat en neurosciences. Il est déjà prévu de faire pédaler certains candidats à l’intérieur de l’IRM tout en leur demandant d’accomplir des tâches cognitives…
D’autres experts des universités de Bordeaux, Chambéry, Lille sont également associés à de projet ANR ExoLactaBrain, ainsi qu’à Marseille, où des rats ont déjà commencé à courir. Cette étude pourrait engendrer de grandes répercussions sur la lutte contre les pathologies dégénératives comme, par exemple, la maladie d’Alzheimer.
Informations complémentaires
Olivier Dupuy est maître de conférences en physiologie à la faculté des Sciences du sport rattaché au laboratoire Mobilité vieillissement et exercices (MOVE) de l’université de Poitiers.