Le projet ERDG (Engineering, Research and Development on the Grape cane) piloté par Jérôme Guillard, Professeur en chimie organique et thérapeutique à l'Institut de chimie des milieux et matériaux de l'université de Poitiers et l’industriel Alain Tournay est lauréat du trophée Bioénergie de la région Nouvelle Aquitaine. Il réunit tous les acteurs, chercheurs et industriels, pour le développement de produits de biocontrôle* éco-efficients contre la pourriture grise et les maladies du bois de la vigne.

Jérôme Guillard travaille sur les molécules issues du sarment de vigne depuis 2011. Il a d’abord concentré ses travaux sur le Resvératrol, une molécule utilisée en cosmétique et compléments alimentaires à laquelle on attribue de nombreux bienfaits. « Son extraction dans les sarments de vigne m’a permis de mettre en avant la présence de nombreuses autres molécules » indique le chercheur. Il décide de s’intéresser à leur action sur la plante elle-même.

Tous les acteurs réunis

« L’idée est d’utiliser la vigne pour soigner la vigne et d’autres plantes de grandes cultures. La vigne, trop sollicitée pour produire, n’a plus les moyens de se défendre. Il s’agit d’utiliser des produits de biocontrôle pour traiter ses maladies » explique-t-il, et ainsi réduire les intrants chimiques.

Pour obtenir les financements nécessaires au développement de son projet, Jérôme Guillard doit réunir les conditions propices à son application industrielle, notamment en termes de coûts. C’est ainsi qu’au fil de temps, il parvient à réunir tous les acteurs pour la mise en place d’une économie circulaire agricole.

Côté procédé, il réfléchit avec Valagro à une méthode d’extraction qui aboutira à « une extrudeuse bi-vis permettant de très bons résultats d’extraction de molécules : 1 kg de sarment permet d’obtenir environ 1 g de resvératrol naturel, 1 g de viniférine et autres oligomères. Le brevet déposé sera par la suite racheté par l’industriel Alain Tournay ».

L’arrivée dans le projet du pépiniériste Mercier en Vendée lève le frein des coûts de collectes de sarments trop importants car disséminés en offrant l’opportunité d’un approvisionnement en un seul point. « Le pépiniériste fournit les viticulteurs en nouveaux plants. Or 50 % des greffons n’atteignent par le stade de plants ce qui génère 600 tonnes de déchets de sarments. De son côté le pépiniériste est intéressé par le projet pour traiter ses greffons et limiter leurs pertes ».

L’approvisionnement assuré à moindre coût, Jérôme Guillard lance alors le biocontrôle avec la société Belchim pour valider l’utilisation de molécules naturelles dans la lutte contre les maladies.

Il sécurise aussi le marché du Resvératrol extrait en multipliant les débouchés. Il se rapproche d’Alain Tournay qui avait acheté le brevet de l’extrudeuse. Le Resvératrol naturel intéresse sa société de compléments alimentaires et de cosmétique Exinnov. « Parallèlement, la Florentaise, spécialiste de produits et de composants innovants au service de la culture et la nourriture des plantes, est intéressée par le co-produit pour réaliser un biochar par pyrolyse autocatalysée ; charbon utilisé dans la plantation maraichère pour rendre le microbiote du sol plus actif ».

Jérôme Guillard résume, « Nous avons cherché à rendre le projet le plus vertueux possible en analysant le cycle de vie : valorisation des déchets, émissions de CO2 réduites, emplois locaux… ».

Distinctions successives

L’ADEME a accordé en fin d’année dernière un PIA (Plan Investissement Avenir) de 5,2 M€ sur le 8,4 M€ de budget. « Le but est de faire un démonstrateur et de développer d’autres sociétés, avec des sarments puis les bois taillés des arbres fruitiers » indique le Professeur.

Actuellement les biologistes de Poitiers (l’équipe du Pr Pierre Coutos-Thevenot) testent la molécule sur la pourriture grise, le pathogène qui fait le plus de dégâts. « Ils se focalisent sur la vigne, la tomate, la fraise et les fruits à noyaux. On sépare les molécules extraites pour trouver le meilleur cocktail et on les testera en serre sur les différentes plantes » explique Jérôme Guillard. « Il s’agit de mettre au point une formulation avec les universités de Bordeaux et de Pau qui ait une action prolongée sur la plante, qui soit comestible et biosourcée ». Les premiers résultats de laboratoire devraient intervenir fin 2020, ceux en serre fin 2021.

L’enjeu est crucial « il s’agit de donner les moyens aux vignerons de gagner leur vie différemment, en utilisant des produits de traitements naturels » ; le potentiel énorme « on souhaite intégrer cette technologie vertueuse au sein des vignobles français, puis européens et mondiaux. Et on peut trouver d’autres marchés parallèles, sur d’autres plantes ! »

Le projet s’inscrit dans la droite ligne de VitiREV porté par la Région Nouvelle Aquitaine qui prévoit 0 pesticides dans le vignoble en 2025. Logique qu’il soit lauréat régional du Trophée Bioénergie, dans la spécificité chimie biosourcée. Il compte ainsi parmi les 13 dossiers retenus au niveau national sur les 54 déposés et prétend à une distinction nationale.

 

* Le biocontrôle met en œuvre des techniques de protection des végétaux basées sur l’utilisation de mécanismes naturels.

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