Le roman prend le temps de nous immerger dans une histoire, un univers, nous invite à faire connaissance avec des personnages. Autant d’éléments qui permettent au lecteur de s’identifier et qui constituent des points d’entrée dans le roman. La construction d’une poésie laisse beaucoup moins de place à l’immersion. Son mode d’écriture plus complexe, avec une syntaxe moins courante peut laisser penser que le lecteur sera freiné dans son approche de la poésie. Alors quelles identifications entrent en jeu ? Faut-il parler d’une identification partielle ? Beatrice Bloch, professeure en Littérature française contemporaine et coorganisatrice de la journée avec Pierre Loubier et Pierre Moinard, donne des premiers éléments de réponse : « Il existe une possibilité d’identification du lecteur en poésie, qui ne serait pas seulement fusionnelle, par projection du lecteur dans un personnage, mais pourrait offrir aussi de partager un rythme, une voix, une expérience du corps avec le texte. ».
Comment entrer dans la lecture de la poésie ?
Il y a plusieurs tendances chez les théoriciens de la littérature. D’une part, il y a l’idée que le lecteur ne doit pas chercher à apprécier la poésie spontanément seulement parce qu’il s’y reconnait mais il doit la vouloir, l’analyser. Dans cette vision, précise Beatrice Bloch, « le lecteur s’intéresse au choix des mots opéré par l’auteur, à la manière dont il choisit des images et les développe. On entre véritablement dans la fabrication de la poésie ».
D’autre part, il y a au contraire la volonté de valoriser la spontanéité de la réception. Béatrice Bloch explique : « Dans les années 1970 jusqu’en 1990, les études de lettres étaient devenues très formalistes basées sur des outils analytiques très objectifs et efficaces, mais qui pouvaient freiner l’accès des étudiants à l’immersion. À partir des années 1990, on a réintroduit le lecteur dans sa subjectivité en incitant à une lecture intuitive immédiate émotionnelle ».
« Pour entrer dans la poésie, il faut probablement un aller-retour entre ces deux tendances » précise Béatrice Bloch. « Lorsque l’on lit par exemple ce vers de Paul Eluard : L’aube se passe autour du cou un collier de fenêtres, on est d’abord étonné par la formule, séduit par l’image, le choix des mots. Ensuite, l’analyse nous permet de comprendre que tous les habitants de ce village ouvrent leurs fenêtres à l’aube ».
La journée d’études montrera toute l’étendue des identifications possibles dans la lecture de poésie avec notamment l’image, la mise en texte corporelle ou rythmique, les jeux de sonorité, de mots autant d’éléments qui peuvent parfois donner envie d’écrire soi-même de la poésie. Elle permettra également de comprendre si la syntaxe poétique complexe dans laquelle on peut ne pas se reconnaitre est de nature à freiner le lecteur ou alors si elle peut être un levier, un « piment » qui incite à aller plus loin.
La journée d’études offre une occasion de croiser les réflexions historiques, critiques et théoriques pour cerner l’entrée dans des poèmes par des lecteurs experts ou en formation.
Cette journée d’études est organisée par Pierre Loubier, Pierre Moinard et Béatrice Bloch (Forellis)
Elle aura lieu le 18 novembre 2021 de 10h à 17h30 à l’UFR Lettres et Langues
1 rue Raymond Cantel
Bâtiment A3 : salle A 415
ou à distance : https://univ-poitiers.webex.com/meet/beatrice.bloch