En juin dernier, l’Agence nationale de la recherche (ANR) lançait le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement » dans le cadre des Investissements d’avenir pour permettre l’émergence, à l’horizon 2030-2040, d’une agriculture sans pesticides. Parmi les 10 projets lauréats, le projet FAST pour « Faciliter l’Action publique pour Sortir des pesTicides » est porté par un consortium d’économistes, de gestionnaires et de juristes du laboratoire Centre d’études et de coopération juridique interdisciplinaire - CECOJI (université de Poitiers). Participant au seul projet en sciences humaines et sociales retenu par l’ANR, le CECOJI se positionne ainsi comme leader national sur les questions juridiques en matière de transition vers une agriculture sans pesticides.

Le projet de l’ANR est ambitieux : trouver les solutions qui vont permettre de développer de nouvelles pratiques et de nouveaux systèmes de production agricole sans pesticides. Pendant 6 années, des chercheurs en sciences du végétal et sciences de l’ingénieur, des agronomes… vont tenter de trouver des alternatives à l’usage des pesticides. Si ces recherches sont primordiales, il est essentiel également de comprendre les déterminants socio-économiques actuels de l’utilisation des pesticides chez les agriculteurs, ainsi que ceux de la transition vers des systèmes de culture sans pesticides. Sur le plan économique, on constate des freins liés notamment au maintien des rendements et à la sécurisation des risques. On s’interroge sur ce qui, dans un avenir proche, va pouvoir déterminer le producteur à changer de pratique et quels impacts ce changement peut avoir sur les filières agricoles et les consommateurs. Le projet FAST s’intéresse également aux principes et aux textes juridiques qui vont déterminer la faisabilité et les conditions du changement.

Pour Benoît Grimonprez, Professeur de droit à l’université de Poitiers et responsable du volet juridique du projet FAST : « il n’y a pas une solution miracle, il faudra activer une pluralité de leviers. Aujourd’hui certains produits sont déjà interdits, mais nous ne sommes pas sortis des pesticides pour autant. Les politiques publiques qui seront mises en place devront à l’évidence faire dans la finesse et combiner différents instruments : interdictions, taxes, réallocation des aides, valorisation des produits sans pesticides ».

« Les mécanismes qui seront adoptés devront obligatoirement prendre la forme juridique » explique Benoît Grimonprez. « Les textes devront s’inscrire dans une architecture normative entre droits national, européen et international. C’est au droit que va revenir la tâche de créer une gouvernance sur le sujet, en déterminant qui décide, à quelle échelle (individuelle, collective, territoriale ?) et avec quels moyens ».

« Concrètement, nous allons nous employer à décortiquer le droit existant, voir quelles sont ses forces et ses faiblesses, pour proposer des pistes d’amélioration. Nous devons travailler sur une vue d’ensemble pour que tous les acteurs s’y retrouvent. Aujourd’hui, les pouvoirs publics traitent les sujets indépendamment les uns des autres sous la pression des industriels ou des associations de protection de l’environnement. Cela donne des décisions irréfléchies et relativement peu efficaces. Nous devons donc dégager des principes généraux qui vont guider l’action publique et ensuite inventer les outils techniques qui vont permettre sa mise en œuvre, qu’il s’agisse d’incitations, d’accompagnement ou d’interdiction ».

Ce travail s’inscrit dans l’axe « le végétal dans son environnement » développé par le CECOJI. Le projet mobilisera plusieurs chercheurs du laboratoire spécialisés en droit de l’agriculture, en droit de l’environnement mais également en droits fondamentaux et de l’Homme car la dimension sociétale du changement sera également importante. « Du point de vue juridique, la thématique des pesticides est encore peu explorée en France » explique le professeur de Droit. « Cet ANR va asseoir la reconnaissance de l’expertise du CECOJI dans ce domaine ». D’un point de vue plus personnel, Benoît Grimonprez qui travaille depuis plus de 15 ans sur la transition agro-écologique est enthousiaste à l’idée de contribuer aux travaux qui, il l’espère, permettront au modèle agricole de se transformer.

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