Après avoir passé un col verdoyant où paissent des lamas et des alpacas sur la longue route depuis Juliaca, les premiers stigmates des mines à ciel ouvert apparaissent avec des monticules de terre retournée comme paysage et des chargeurs qui se partagent la route avec nos véhicules. La Rinconada apparait plus loin, tout au bout d’une route qui nous emmène au pied d’un glacier qui culmine à 6000m d’altitude : c’est une juxtaposition plus ou moins organisée d’habitations en tôle, entrecoupées de route boueuses et de ruelles encombrées de détritus et de sacs poubelles. Dans cet univers hostile, un laboratoire de recherche a été installé en février 2019 et en février 2020 dans le foyer de l’association des mineurs, 400m au-dessus du sommet du Mont Blanc ! Les chercheurs de l’équipe @Expedition5300 s’intéressent aux adaptations physiologiques, biologiques et génétiques de ces chercheurs d’or qui creusent sous le glacier, là où la vie permanente, jusqu’à il y a peu, était jugée comme impossible…
En 2019 nous avons étudié lors de notre première expédition à La Rinconada la qualité du sommeil, les réponses cardiovasculaires et cardiaques lors d’un exercice physique, les réponses ventilatoires à un stress… afin de mieux comprendre les réponses physiologiques que ces individus mettaient en jeu pour faire face au manque d’oxygène (hypoxie). Nous avons également étudié les paramètres sanguins et les caractéristiques physiques du sang (viscosité, agrégation…) et nous avons observé des résultats exceptionnels : les mineurs montraient des volumes sanguins deux fois plus élevés que des sujets vivant au niveau de la mer (10 litres vs 5 litres) avec un taux d’hématocrite (% de globule rouge dans le sang) de plus de 80%, alors que la norme est d’environ 40% chez un sujet vivant au niveau de la mer ! Les masses d’hémoglobine, habituellement largement inférieures à 1000g, pouvaient atteindre des valeurs extrêmes de près de 2900g chez certains sujets. Ces adaptations liées au mal chronique des montagnes imposent des contraintes extrêmes sur le système cardiovasculaire et induisent des dilatations importantes des vaisseaux sanguins. Elles conduisent, combinées à l’hypoxie sévère de haute altitude, à une fonction du cœur droit particulièrement altérée chez la plupart des patients. Les premières analyses biologiques montrent également des niveaux d’inflammation très importants chez nos chercheurs d’or.
Cette année, en février 2020, nous sommes revenus à la Rinconada afin d’essayer de traiter les causes et les symptômes du mal chronique des montagnes avec deux traitements médicamenteux. Après seulement 3 jours d’acclimatation partielle à Puno, sur les bords du lac Titicaca, nous avons réinstallé notre laboratoire de recherche à la Rinconada et ce malgré de légers symptômes du mal aigu des montagne (céphalées, nausée, fatigue, troubles du sommeil…). Notre première semaine d’expérimentation a permis d’inclure et d’évaluer 60 mineurs et patients qui participent actuellement à cet essai clinique testant deux traitements potentiellement efficaces contre les causes et les conséquences physiopathologiques de l’exposition chronique à l’hypoxie (acétazolamide vs statines vs placebo). Nous avons ensuite réévalué ces mêmes patients après 3 semaines afin d’identifier les effets bénéfiques suite à un traitement aigu. Nous retournerons à La Rinconada en juillet 2020 afin d’évaluer à nouveau notre cohorte et étudier plus précisément les effets à long terme de ces traitements. Notre objectif est ainsi de définir si les deux médicaments testés, qui sont faciles d’accès et peu coûteux, peuvent être efficaces à de si hautes altitudes de vie afin d’améliorer durablement la santé et la qualité de vie de ces mineurs de l’extrême. Cette deuxième phase de l’expédition a également été l’occasion de tester l’adaptation des enfants portés, nés et ayant grandi à La Rinconada face à cet environnement…
L’équipe Expédition 5300
Informations complémentaires
Des temps de restitution ouverts au public en lien avec cette expédition sont prévus. Informations à venir.