Des chercheurs de l’Institut P’ (CNRS - université de Poitiers) ont développé un matériau qui absorbe très peu le rayonnement visible (soleil) et qui émet ou rejette fortement le rayonnement infrarouge et donc la chaleur. Les recherches sur ce procédé appelé « refroidissement radiatif diurne », menées au sein de l’Institut P’ permettent d’envisager la conception de revêtements à haute performance de refroidissement dans l’habitat ou l’industrie.

Le refroidissement radiatif diurne, c’est quoi ?

On connait tous le refroidissement radiatif nocturne. Il est basé sur l’émission du rayonnement (infrarouge) que l’on peut sentir par une nuit d’été, près d’un mur qui a été chauffé dans la journée. Dans l’atmosphère, par temps sec et sans nuage, il y a une zone de transparence (entre 8 et 13 microns de longueur d’onde) à travers laquelle n’importe quel corps chauffé se refroidit en émettant vers l’espace. Pendant la journée, on garde à peu près les mêmes conditions de refroidissement mais naturellement, le rayonnement solaire incident va entrainer une absorption de la chaleur par les corps, ce qui annule toute possibilité de refroidissement. « Nous avons donc recherché un moyen pour que le rayonnement visible ne soit pas absorbé et qu’au contraire le rayonnement infrarouge soit fortement émis » explique Karl Joulain, directeur de l’institut P’.

La nanofabrication de matériaux

Les chercheurs ont utilisé la silice. Cet élément naturel qui permet de fabriquer le verre émet très bien dans l’infrarouge, et laisse passer le rayonnement dans le visible et donc ne l’absorbe pas. Néanmoins, il fallait également que le matériau envisagé puisse rejeter la chaleur ou réfléchir le rayonnement. « Si on prend l’exemple de l’eau, explique Karl Joulain, on sait qu’elle est transparente dans le visible, mais si on la transforme en gouttelettes, la lumière est renvoyée dans d’autres directions. On dit que le rayonnement est diffusé. C’est ce que l’on peut voir en avion au-dessus des nuages : les gouttelettes les composant sont très diffusants et au final les nuages sont très réfléchissants. Le principe est le même pour la silice mais bien entendu, comme il est impossible de maintenir des gouttelettes de silice en apesanteur, nous avons eu l’idée d’utiliser des fibres. En effet, des fibres enchevêtrées peuvent se maintenir toutes seules dans l’air en formant un matelas. Ce principe est bien connu puisqu’il est utilisé dans la conception de la laine de verre ».

Pour d’obtenir des puissances de refroidissement optimisées, cette laine de verre doit être constituée de fibres extrêmement fines de silice (200 nanomètres de diamètre) contre 10 à 15 microns pour la laine de verre classique). Le but est maintenant, en collaboration avec les chercheurs de l’industrie verrière s’il est possible de faire passer silice fondue au travers une buse de quelques centaines de nanomètres de diamètre pour fabriquer réellement ces matériaux à faible coût.

Vers une application possible ?

Si le processus de fabrication, proche de celui de la laine de verre, est potentiellement simple, reste à trouver un procédé industriel de fabrication très peu onéreux.  La question de l’acceptabilité esthétique de tels revêtements est également à prendre en compte. En effet, ils doivent être le plus blanc possible pour diminuer leur absorptivité dans le visible. Si le défi de la fabrication à grande échelle n’a pas encore été relevée par des industriels, les recherches menées par Karl Joulain et ses collègues* ont permis d’avancer vers la conception d’un matériau qui permettra peut-être un jour de refroidir nos maisons où des équipements sans avoir recours à la climatisation.

 

* Cette recherche a fait l’objet d’un article dans la revue Photoniques : Refroidissement radiatif diurne par revêtement de fibres de silice (Karl Joulain, Refet Ali Yalçin, Jérémie Drévillon, Etienne Blandre). Il a fait aussi l’objet d’une infographie dans le journal Le Monde le mercredi 27 janvier 2021.

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