Nous sommes tous connectés, volontairement ou non. Comment apprivoiser et comprendre les usages de ces nouveaux objets? Quels en sont les enjeux et les risques? Pour quels contenus, quelles technologies, quelles innovations? Nos chercheurs relèvent ces défis.

Florence CHerigny

Les objets connectés ne font pas, à ce jour, l’objet d’une définition officielle. Ils désignent des objets qui sont reliés à Internet et peuvent communiquer avec d’autres systèmes pour obtenir ou fournir de l’information. Connectés en réseau, ils produisent des données sur l’utilisateur qui peuvent être exploitées de différentes manières (analyse stratégique, commerciale…). Ces objets du quotidien (montres, lunettes, voitures…) fonctionnent par le biais d’interfaces ou applications permettant d’analyser les données collectées afin, notamment, de proposer des services ou conseils adaptés aux attentes de l’utilisateur.

Florence CHERIGNY

L’Internet des objets soulève de nombreuses et délicates questions juridiques. Les questions liées à l’impact des collectes de données sur la vie privée et les libertés individuelles, apparaissent, à l’évidence, essentielles. Aujourd’hui, les objets connectés sont surtout présents sur les marchés de la santé (quantified-self  ou «quantification de soi ») et de la domotique (la maison intelligente). Les objets connectés collectent ainsi une mine d’informations  – données d’usage ou données personnelles – qui peuvent représenter une menace au regard du droit et au respect de la vie privée.

De nombreuses questions concernent également les risques d’atteinte à la sécurité physique des personnes et les risques d’atteintes aux biens (exposition des personnes aux rayonnements électromagnétiques, défaillance  des objets « intelligents », prise de contrôle par un tiers des objets connectés…). Les responsabilités susceptibles d’être mises en jeu sont nombreuses : fabricants d’appareils, développeurs d’application, agrégateurs de données, utilisateurs… Les relations contractuelles entre les différents acteurs impliqués soulèvent également problème, qu’il s’agisse d’envisager l’exploitation, le partage ou la commercialisation des données.
Enfin, la question de la normalisation (standards garantissant l’interopérabilité des objets connectés, l’authentification et le contrôle de l’accès aux données…) mérite évidemment d’être posée, tant apparaît grand le risque d’une gouvernance des objets connectés par les grands acteurs de l’Internet.

Une réflexion juridique sur les objets connectés s’inscrit dans un cadre méthodologique impliquant des considérations à la fois techniques et juridiques, une dimension transversale (transcendant la traditionnelle distinction entre droit public et droit privé) et transfrontalière, ainsi qu’une analyse prospective. Les questions sont abordées par l’équipe du Centre d’études sur la coopération juridique internationale – Université de Poitiers (CECOJI-UP) – EA 7353, équipe transdisciplinaire réunissant des enseignants-chercheurs spécialisés dans des disciplines variées : droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, droits de l’homme, droit international, sciences politiques… Elles sont également abordées dans le cadre de la participation à des recherches pluridisciplinaires associant les chercheurs en droit du CECOJI-UP à des chercheurs en sciences fondamentales et appliquées, en sciences de gestion ou en sciences humaines (projets CPER-FEDER INSECT et NUMERIC).
Le thème des objets connectés est un thème fertile en interrogations ainsi que l’a encore récemment démontré le colloque qui s’est tenu à la Faculté de Droit de l’Université de Poitiers, le 23 septembre 2016, colloque qui a permis de célébrer le 30e anniversaire du Magistère en Droit des TIC (Techniques de l’Information et de la Communication)

Laetitia Fradet

Mes travaux de recherche s’effectuent au sein de l’équipe RoBioSS (Robotique Biomécanique Sport Santé) de l’Institut PPRIME. Les objectifs scientifiques de l’équipe portent sur la coordination des systèmes multicorps en fusionnant les concepts propres à la robotique et à la biomécanique. Ils se déclinent à travers différentes thématiques de recherche dont l’une porte sur l’analyse de la motricité humaine saine et pathologique.

Laetitia FRADET

L’analyse du mouvement humain a de nombreuses applications en santé, ergonomie et sport. Les méthodologies et appareils de mesure sont actuellement matures pour permettre une analyse en laboratoire. Seulement, maintenant que la mesure du mouvement humain est bien maîtrisée en laboratoire -bien que toujours perfectible- un besoin de plus en plus prégnant se fait ressentir pour une analyse in situ (quel que soit l’endroit) et continue (sur une longue période) du mouvement humain.

Des questions scientifiques mais aussi socio-économiques exigent ainsi une analyse du mouvement sain ou pathologique au travail, dans la vie quotidienne et les loisirs. Cette mesure dite « écologique » du mouvement humain constitue donc un palier à franchir pour permettre le déploiement de la mesure nécessaire à la prévention de pathologies comme les troubles musculo-squelettiques ainsi que des applications de monitoring et de télé-santé.

Si de nombreuses technologies et méthodologies ont été proposées, la mesure écologique du mouvement humain reste limitée car pas encore assez fiable sur une longue durée. Pour être complètement indépendante de l’environnement, cette mesure écologique du mouvement se fait grâce au port de capteurs tels que des fibres optiques ou goniomètres intégrés dans des vêtements dits « intelligents ». Les capteurs inertiels, de par notamment leur faible coût et leur flexibilité d’utilisation, restent néanmoins la technologie privilégiée. Le déploiement de ces capteurs dans des objets du quotidien tels les téléphones portables expliquent également l’engouement pour cette technologie de la mesure du mouvement humain.

Mes travaux de recherche portent donc en partie sur le développement des méthodologies nécessaires à l’analyse écologique du mouvement à partir de capteurs inertiels pour des applications en santé et dans le domaine sportif. Il s’agit en particulier de développer des algorithmes qui soient adaptés à tout type de sujet et qui permettent d’obtenir une mesure précise et ce, sur une longue période.

Laetitia Pierrot

L’intérêt que je porte, dans le cadre des activités de ma recherche, aux objets connectés est lié aux données que peuvent produire ces technologies. A l’heure du numérique et de l’Internet des objets, nombreux sont les services et équipements numériques à conserver des informations sur les utilisateurs et leurs activités. L’exploitation de ces informations est ensuite capitale pour l’aide à la prise de décisions. Dans mon cas, l’étude porte sur des objets connectés précis : les ordinateurs portables ou hybrides, les tablettes voire les smartphones utilisés quotidiennement par les lycéens, y compris dans la classe.

Laetitia PIERROT

Doctorante en deuxième année de thèse en Sciences de l’information et de la communication au laboratoire TECHNÉ de l’Université de Poitiers, je m’intéresse, sous la direction de Jean-François Cerisier, à ce que font les lycéens tous les jours avec leurs équipements, c’est-à-dire à leurs pratiques, autant dans le contexte scolaire que personnel. Mieux comprendre comment se construisent et se partagent les pratiques des lycéens, et donc identifier la circulation de ces pratiques, peut contribuer à  adapter les programmes de formation aux besoins réels des élèves.
Pour cela, je pars de l’existant en analysant avec d’autres collègues chercheurs du laboratoire, les informations (ou journaux d’activités, logs, traces) produites automatiquement par les équipements numériques des élèves qui ont accepté de participer à ce projet de recherche. En nous appuyant sur des études de cas, nous cherchons à obtenir les photographies les plus réalistes possibles des comportements des lycéens.

Cette approche, issue des « Learning Analytics » vient compléter les autres méthodes utilisées au sein du laboratoire regroupant des chercheurs de plusieurs disciplines (sciences de l’information et de la communication, sciences de l’éducation, psychologie cognitive, informatique…) qui ont en commun de travailler sur les usages des technologies numériques pour l’éducation.
Les Learning Analytics, expression utilisée pour désigner la collecte, le traitement et l’analyse des données relatives aux processus d’apprentissage, contribuent à répondre aux enjeux actuels sur la place du numérique dans notre société et plus particulièrement à l’Ecole. C’est d’ailleurs cette thématique, et plus largement celle du Big data en éducation, que le laboratoire TECHNÉ a choisi d’aborder en septembre 2016 avec ses partenaires lors d’une semaine de rencontres professionnelles et scientifiques, le campus européen d’été (C2E) du GIS INEFA.

Rodolphe Vauzelle

Depuis une vingtaine d’années, les technologies sans fil se développent très rapidement en touchant tous les secteurs de la société. Actuellement, dans la continuité des systèmes cellulaires 2G, 3G, 4G et des standards tels que le WIFI que nous connaissons, se développent les notions de 5G et d’Internet des objets. Elles ont vocation à intégrer et améliorer l’ensemble des systèmes actuels pour être encore plus performantes. Le terme d’ « objets connectés » se rattache directement à cette dynamique.

Rodolphe VAUZELLE

Les travaux de recherche du groupe « systèmes et réseaux intelligents » que j’anime dans le laboratoire XLIM s’inscrit dans ce cadre. Plus précisément, nous contribuons à cette évolution en travaillant  sur les protocoles de communication. Il s’agit de trouver des moyens très efficaces pour transmettre des données d’une source à une destination. Les données peuvent être très différentes : la voix, un fichier informatique, la détection d’une ouverture de porte, une température, une image, une vidéo, une fréquence cardiaque, … . La source et la destination peuvent être aussi de nature très différente : un smartphone, une voiture, un robot, un capteur, une machine industrielle, une caméra, … .
L’efficacité du protocole de communication peut s’évaluer selon différents critères tels que: le débit de la communication, c’est à dire la quantité d’informations transmises par seconde, la robustesse de la transmission qui correspond au pourcentage d’informations erronées dû à la transmission, la latence qui définit le délai d’acheminement des informations, sans compter l’énergie consommée par la transmission qui conduira directement à l’autonomie énergétique du système. Il est facile d’observer qu’une transmission internet en 4G consomme plus de batterie du smartphone qu’une simple communication téléphonique. Dans les critères, nous considérons aussi la minimisation des puissances rayonnées afin de limiter la pollution électromagnétique.

Les applications sur lesquelles nous travaillons sont multiples et s’adressent à des enjeux sociétaux majeurs. Il s’agit principalement de la santé et du bien-être, de l’usine du futur, de la transition énergétique (habitat intelligent et durable, systèmes de transport intelligent). En effet, tous reposent sur des échanges d’informations entre des « entités » qui peuvent être des objets fixes et mobiles, des véhicules, des robots, des capteurs, des caméras, … .  Ces entités communiquent alors au sein de réseaux tels que : réseaux cellulaires (2G, 3G, 4G), des réseaux de capteurs dans une maison et bientôt sur le corps humain, des réseaux de véhicules communicants, des réseaux de robots, des réseaux de machines industrielles,  … .
Dans certains cas tels que l’aide à l’autonomie des personnes âgées, le développement de système de suivi à distance de paramètres physiologiques ou d’activité physique pose des questions liées à l’usage et à l’acceptabilité de ces nouvelles technologies. Nous commençons aussi à intégrer ces aspects dans nos travaux.

Concrètement, nos contributions reposent sur des travaux de modélisation, de simulation et d’expérimentation. Ces travaux se font ainsi en laboratoire et sur le terrain pour réaliser des mesures. Les mesures permettent de vérifier la validité des modèles simulés par calculateur. Mais aussi, les modèles permettent d’interpréter des résultats mesurés. Toutes ces activités sont donc nécessaires et complémentaires.