Une équipe de recherche internationale en psychologie*, coordonnée par le Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage (CeRCA, Université de Poitiers/CNRS) vient de publier un article dans la revue Nature Human Behaviour portant sur l’impact de l'enseignement à distance sur les inégalités scolaires.

Au printemps 2020, la pandémie de Covid-19 a contraint enseignants et parents à s’adapter rapidement à un nouveau contexte éducatif : l’école à la maison. En quelques jours, les enseignants ont dû développer des contenus scolaires en ligne et les parents, accompagner leurs enfants dans la réalisation des exercices et les leçons fournis par les enseignants.

Dans la mesure où l’utilisation des outils numériques dans l’éducation s’est considérablement développée pendant cette crise, et qu’elle est probablement amenée à se poursuivre, il est urgent de comprendre l’impact de l’enseignement à distance sur les inégalités scolaires. L’équipe de chercheurs et chercheuses s’est appuyée sur des études interdisciplinaires (psychologie sociale, psychologie cognitive, sociologie) menées dans différents pays. Elle propose un modèle intégratif permettant de comprendre comment les fermetures d’écoles exacerbent les inégalités scolaires liées à l’origine sociale.

La fracture numérique

Dans un premier temps, l’existence d’une triple fracture numérique est révélée :

  1. les familles défavorisées, comparativement aux familles favorisées, sont moins susceptibles d’avoir accès à des équipements informatiques ;
  2. elles sont également moins susceptibles de posséder des compétences numériques nécessaires à la mise en place de l’école à la maison ;
  3. elles ont des usages numériques davantage récréatifs que pédagogiques.

La fracture de la culture scolaire

Une synthèse des recherches documentant l’inégale familiarité des familles défavorisées vis-à-vis de la culture scolaire a ensuite été réalisée. Il en ressort qu’en faisant plus que jamais reposer le processus d’apprentissage sur les familles et en faisant travailler les élèves principalement via des outils et ressources numériques –vis-à-vis desquels les familles sont inégalement équipées et familiarisées– les fermetures d’écoles creusent les écarts d’apprentissages liés à l’origine sociale.

La fracture structurelle

L’existence d’une fracture structurelle est ensuite étudiée : les écoles ou classes de quartiers défavorisés ont été plus souvent fermées que les écoles et classes de quartiers plus aisés. En outre, des données issues d’études réalisées dans différents pays du monde suggèrent que dans l’ensemble, pendant le confinement, les familles de milieux défavorisées ont paradoxalement reçu moins de soutien et d’accompagnement que les familles plus aisées (par exemple, moins de cours en ligne). Ceci est dû au fait que les écoles situées dans les quartiers plus favorisés sont globalement mieux équipées et les parents sollicitent davantage les enseignants pour recevoir des contenus. Ceci a contribué à faire de la fermeture des écoles une situation particulièrement susceptible de creuser les inégalités.

Les premiers résultats d’études menées depuis le début de la pandémie de Covid-19 ont ensuite été passés en revue, confirmant que les périodes de confinement ont, en effet, creusé les inégalités scolaires.

Accompagner et sensibiliser

En conclusion, plusieurs pistes de recherches futures sont proposées, ainsi que des préconisations dans le but d’aider les parents, les enseignants et les décideurs politiques à limiter l’impact de l’école à distance sur les inégalités scolaires. Il s’agit par exemple de mieux équiper les familles les plus défavorisées, de leur apporter un accompagnement dans l’utilisation des outils ou encore de former davantage les enseignants aux inégalités d’accès des familles aux outils et ressources numériques.

 

Référence de l’article :

S.Goudeau, C. Sanrey, A. Stanczak, A. Manstead and C. Darnon, Why lockdown and distance learning during the COVID-19 pandemic are likely to increase the social class achievement gap. Nature Human Behaviour, 2021, DOI: doi.org/10.1038/s41562-021-01212-7.

* L’équipe de chercheurs :

  • CeRCA, Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage (Université de Poitiers/CNRS) : Sébastien Goudeau, Camille Sanrey
  • LAPSCO, Laboratoire de Psychologie Sociale et Cognitive (Université Clermont Auvergne/CNRS) :  Arnaud Stanczak, Céline Darnon
  • School of Psychology (Cardiff University) : Antony Manstead
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