« Voilà », « grave », « carrément »... Ils sont partout. Ces mots béquilles prolifèrent dans nos conversations du quotidien. Des chercheurs du laboratoire FoReLLIS (Formes et représentations en linguistique, littérature et dans les arts de l’image et de la scène) de l’université de Poitiers travaillent sur les discours et les processus cognitifs, et se sont penchés sur ces tics de langage. Cette approche pluridisciplinaire a permis la publication au printemps 2020 du livre Polysémie, usages et fonctions de « voilà » réalisé à partir de 5 ans de travaux animés par 3 chercheurs de l’université de Poitiers. Dans cet ouvrage, les auteurs se sont consacrés à un mot utilisé à tort et à travers : « voilà ».

Composé du verbe « voir » à l’impératif deuxième personne suivi de l’adverbe déictique « là », le terme, d’abord orthographié « vela », apparaît dans les usages autour du 14e siècle. Quand nous cherchons la définition du mot « voilà » dans le Larousse, nous obtenons la proposition suivante :

Marque dans une phrase la conclusion, la constatation (souvent précédé de et) : 
Et voilà, c'est ainsi que l'affaire s'est terminée.

Gilles Col, professeur de linguistique cognitive à l’université de Poitiers et chercheur au laboratoire FoReLLIS, nous éclaire sur ce petit mot du quotidien.

Pourquoi et comment employons-nous autant ce terme passe-partout ?

Voilà en début de phrase. Voilà en milieu de phrase. Voilà en guise de point final. Nous l’utilisons à toutes les sauces et de manière récurrente. Il sert à structurer le dialogue et le discours en découpant des paquets d’informations et en les rendant visibles.

Omniprésent dans nos bavardages, « voilà » s’est répandu car il est très utile à la communication : il nous rassure du vide et des silences qui s’installent dans les discussions. Pendant une présentation orale par exemple, il aide à indiquer aux auditeurs où on en est dans le flux du discours. Quand nous parlons avec quelqu’un, il sert à aider l’interlocuteur à naviguer dans le dialogue.

C’est comme une balise en mer, compare Gille Col."

Quelle méthodologie a été utilisée pour évaluer ce tic de langage ?

Les chercheurs de l’équipe DisCo (Discours et Cognition) ont étudié « voilà » dans des corpus composés de textes littéraires, de textes de presse et de dialogue (oral). Ils l’ont comparé à d’autres moyens de communication comme le regard ou les gestes, mais aussi à des mots proches dans d’autres langues comme l’espagnol « claro ».

Les chercheurs de DisCo ont aussi effectué des expérimentations pour observer quand « voilà » était produit. Gille Col nous décrit une de ces expériences :

Nous avons enregistré des personnes qui jouaient au Tangram, l’une devait faire deviner sa figure à l’autre dans un temps donné. En faisant un compte à rebours « plus que 7 min… » on a observé que nous augmentons le stress et donc le nombre de « voilà »."

 

« Non mais oui », « y’a pas de soucis », « ok », « du coup », « grave  », « genre », « en même temps », c’est clair »… Ces mots générationnels aussi toquants que tiquants nous rendent complètement toqués. Pourquoi se répandent-ils autant ? Voici une question qui reste encore à creuser.

Voilà. C’est clair ? Y’a pas de soucis ? Alors, bon courage ! A plus ! Et bonne fin de journée !

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