Une étude internationale en psychologie et cognition interroge 11 500 participants provenant de 11 régions du globe sur les 5 continents. Issue de 41 pays, une équipe internationale de près de 200 chercheurs vient de publier dans Nature HumanBehaviour une étude comparative sur la façon dont nous évaluons les visages inconnus, au regard de notre origine géographique de par le monde.

Parmi eux, 4 chercheurs français [1] psychologues, spécialistes des sciences cognitives le poitevin Armand Chatard (Université de Poitiers/Université de Tours/CNRS), Gwenaël Kaminski (Université de Toulouse Jean Jaurès/CNRS),Coralie Chevallier (École normale supérieure/Inserm) et Hans Rocha IJzerman(Université Grenoble Alpes/Université Savoie Mont-Blanc).

La perception de nouveaux visages induit des jugements sociaux…

Au coin d’une rue, chez un commerçant, dans les transports, sur un support numérique… nous ne passons pas une journée sans voir un nouveau visage.

Mais que se passe-t-il vraiment dans notre tête à la vue de ce visage inconnu ? Nous allons, et ce en quelque centaines de millisecondes, porter de nombreux jugements sur la base des déductions faites à partir des traits perceptifs du visage. On parle alors d’inférences. Comme par exemple : est-ce un homme ou une femme, à quel groupe social appartient-il ou elle, est-il ou elle digne de confiance, etc. ?

Au cours des dix dernières années, deux chercheurs en psychologie, installés aux États-Unis, Nikolaas N. Oosterhof et Alexander Todorov ont postulé que les inférences faites sur un visage inconnu reposent sur le modèle de valence-dominance. Celui-ci s’est imposé comme étant le plus pertinent sur la façon dont nous évaluons les visages d’un point de vue non pas physique mais social.

Ce modèle d’évaluation des visages s’articule autour de deux dimensions principales (la valence ??? synonyme de fiabilité (est ce que je peux lui faire confiance ?) ??? et la dominance (cette personne est-elle un leader, est-elle potentiellement agressive ?) qui sous-tendent les jugements sociaux sur les visages. Ainsi, ce modèle propose que dès que nous voyons un nouveau visage, nous allons automatiquement inférer de nombreux jugements sociaux en se basant sur les dimensions de valence et de dominance.

Toutefois, ce modèle ayant été principalement développé et testé dans les régions occidentales, il n’était pas certain qu’il s’applique à d’autres régions.

Pour répondre à cette interrogation, une équipe interdisciplinaire internationale a essayé de reproduire la méthodologie utilisée par Oosterhof et Todorov à grande échelle et non plus en se limitant au monde occidental.

… différents d’une région du monde à l’autre

Il s’agit de la première étude du Psychological Science Accelerator qui essaye, au vu de la crise de la non-réplication des études scientifiques, de reproduire notamment des résultats antérieurs et de les généraliser à des populations non WEIRD (Western, Educated, Industrialized, Rich et Democratic).

Les résultats de celle-ci ont été publiés le 4 janvier 2021 dans Nature HumanBehaviour.

Pour étudier comment nous évaluons les visages dans les dimensions sociales, les scientifiques ont montré, à un peu plus de 11 500 participants provenant de 11 régions du globe sur les 5 continents deux séries de 102 visages d’appartenance ethnique différente.

Les participants devaient évaluer les visages sur 13 traits différents sur une échelle de 1 à 10 (e.g. agressivité, attractivité, dominance, stabilité émotionnelle…). Ces jugements ont ensuite été croisés avec les origines géographiques.

Quelle que soit leur région d’origine, si l’ensemble des participants semblent évaluer les visages à partir des dimensions (valence et dominance) du modèle d’Oosterhof et Todorov, une analyse statistique plus pertinente via des méthodes d’analyses multivariées a permis d’aller plus loin.

En effet, cette nouvelle méthode a permis de voir que de grandes similitudes se dégagent entre participants d’une même aire géographique dans l’appréciation des visages ou le fait de corréler certains traits à d’autres. Pour les Asiatiques, par exemple l’agressivité et la dominance ne sont pas obligatoirement corrélées par exemple.

Les résultats de cette étude suggèrent donc un processus dynamique de perception des visages sur les dimensions sociales et révèlent des différences d’évaluation entre les régions du monde.

Consulter l’étude (matériel/données et scripts d’analyse) : https://osf.io/f7v3n/

Modèle de perception

Modèle de perception des visages d’Oosterhof and Todorov (2008). L’axe des abscisses montre la dimension de la valence et l’axe des ordonnées la dimension dominance du modèle. Les détails du modèle sont décrits dans Oosterhof et Todorov (2008).

 

[1] Gwenaël Kaminski(maître de conférence à l’Université Toulouse – Jean Jaurès, membre du laboratoire Clle (UT2J/CNRS)) ; Coralie Chevallier, chercheuse à l’École normale supérieure (Laboratoire de neurosciences cognitives/Inserm) ; Armand Chatard, professeur de psychologie sociale, Université de Poitiers, laboratoire CeRCA (Université de Poitiers/Université de Tours/CNRS) et Hans Rocha IJzerman, maître de conférences, chercheur au Laboratoire interuniversitaire de Psychologie (Université Grenoble Alpes/Université Savoie Mont-Blanc)

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