Soutenu par l’Agence Nationale de la Recherche à une hauteur de 300 000 euros, ce LabCom est le fruit du partenariat entre la Maison des sciences de l’homme et de la société et l’agence coopérative Ellyx. Il mobilise des chercheurs de quatre laboratoires* de l’université de Poitiers (Ruralites, Cecoji, Crief et Cerege). L’objectif est de permettre l’émergence de projets, de politiques publiques ou encore de services en capacité de répondre plus fortement aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux du XXIe siècle. Il s’inscrit dans la stratégie de l’université de Poitiers de développer des partenariats d’innovation avec les entreprises.
Dominique Royoux, professeur des Universités et directeur du LabCom Destin et khaled Hirech, directeur de la recherche et de l’innovation de l’université de Poitiers répondent à nos questions sur ce nouveau laboratoire.
Comment est né ce laboratoire commun ?
DR : La Région Nouvelle Aquitaine nous avait interrogé sur les modalités de transfert potentielles vers le monde socio-économique, des recherches menées dans le cadre CPER Insect**.
KH : Nous avons rencontré la Scop Ellyx, avec qui nous avions les mêmes objectifs. Ellyx avait une bonne connaissance des besoins, des marchés et des acteurs en matière d’innovation sociale. Nous associer sous la forme d’un LabCom est devenu une évidence pour nous permettre de créer les modalités d’appropriation et de transfert des recherches en Sciences Humaines Economiques et sociale.
Qu’est-ce que l’innovation sociale ?
KH : L’innovation sociale consiste à élaborer des réponses nouvelles à des défis et besoins sociaux nouveaux ou mal satisfaits, en impliquant la participation et la coopération des acteurs concernés, notamment des utilisateurs, usagers et chercheurs. Ces innovations concernent aussi bien le produit ou service, que le mode d’organisation, de distribution, dans des domaines comme le vieillissement, la petite enfance, le logement, la santé, la lutte contre la pauvreté, l’exclusion, les discriminations, etc. Elles passent par un processus en plusieurs démarches : émergence, expérimentation, diffusion, évaluation.
DR : Contrairement à ce que l’on peut parfois penser, l’innovation technologique n’est pas la seule réponse à apporter. Pour qu’il y ait véritablement transformation, il faut de l’innovation sociale. D’ailleurs certaines technologies ont été des échecs parce qu’elles n’étaient pas accompagnées socialement. La technologie seule ne peut pas résoudre le défi du vieillissement de la population ou de la dépendance par exemple.
Sur quels défis sociétaux va travailler ce LabCom ?
DR : Nous avons identifié des terrains où il y avait des blocages susceptibles d’être dépassés par des processus d’innovation sociale. La transition écologique avec notamment l’étude de l’écosystème Libournais pour comprendre pourquoi des agriculteurs favorables au passage d’une agriculture conventionnelle à une agriculture sans pesticide n’y arrivent pas pour ensuite les accompagner dans cette transition. Egalement, les freins au développement des nouveaux usages en matière de mobilité durable ou d’habitat. Par exemple pourquoi les propriétés partagées ne sont pas plus répandues alors qu’elles sont de plus en plus envisagées. Nous travaillons également sur l’inclusion sociale pour comprendre par exemple pourquoi nous ne sommes pas tous égaux face à l’accès aux soins ou encore réfléchir à comment envisager la prise en charge du vieillissement en favorisant le maintien à domicile.
KH : Notre objectif est d’accompagner aux changements pour tous ces sujets. L’innovation sociale doit mobiliser un écosystème dans une logique d’intervention intégrée et non sectorielle. Nous souhaitons faire en sorte que tous les acteurs concernés discutent et travaillent ensemble.
Avec quelles expertises des laboratoires de l’université ?
DR & KH : Destin va mobiliser l’expertise de quatre laboratoire de l’université de Poitiers : le CECOJI (droit), le CRIEF (économie), le CEREGE (sciences de gestion) et Ruralités (géographie). De nombreux sujets seront impactés par des aspects juridiques car souvent l’innovation sociale s’accompagne d’une évolution de la législation, ce qui sera le terrain d’études du CECOJI. Le CRIEF travaillera notamment sur la géographie de l’innovation, l’analyse des marchés afin d’identifier les territoires les plus favorables à l’innovation. Le CEREGE sera expert pour la création d’indicateurs pour évaluer l’impact des dispositifs mis en place et le laboratoire Ruralités sera notamment mobilisée sur les sujets liés à l’agriculture et à la transition écologique.
Concrètement, quel est le modèle de transfert vers le monde socio-économique ?
DR : Nous allons avec Ellyx définir de nouvelles méthodes et de nouveaux outils pour accompagner et appuyer l’innovation sociale de rupture. Ces solutions seront exploitées par Ellyx qui les adaptera aux différents terrains qu’elle va rencontrer. Concrètement il pourra s’agir de modèles économiques et juridiques, d’accompagnement d’une politique publique, de grilles méthodologiques … Plus largement de tous les éléments qui permettront de répondre aux défis sociétaux identifiés.
KH : Nous allons également réfléchir aux modalités de partage de la valeur et des enjeux de la propriété intellectuelle des innovations sociales qui seront produites collectivement. Aujourd’hui, le modèle n’existe pas. Le portefeuille de la propriété individuelle doit être clairement déterminé pour apporter les garanties nécessaires aux bénéficiaires.
* CECOJI : Centre d’études et de Coopération juridique interdisciplinaire
CRIEF : Centre de recherche sur l’intégration économique et financière
CEREGE : Centre de recherche en gestion
Ruralités : Rural urbain acteurs liens territoires environnement sociétés
** Contrat de Projet Etat-Région (2015-2020). Innovation sociale, économique et culturelle dans des territoires en mutation.