A l'occasion de la journée mondiale de la science fiction, nous vous partageons les travaux de recherche de l'équipe de Pierre Godard de l'Institut Pprime (Université de Poitiers - CNRS) qui étudient les caractéristiques des métaux pour des usages innovants.

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Imaginons, dans un futur proche, des panneaux solaires flexibles installés sur les châteaux d’eau, autour des pylônes électriques, sur les toits des voitures ou sur n’importe quelle surface non plane. On pourrait mieux exploiter les ressources renouvelables thermique et photovoltaïque. Imaginons aussi des capteurs flexibles insérés dans le corps humain. On arriverait, dans ce cas, à mieux contrôler – et en temps réel – des paramètres de santé tels que le pouls, la pression, la glycémie, etc.

Eh bien, des chercheurs sont déjà en train d’étudier ces possibilités, notamment en termes de recherche de matériaux adaptés. Parmi eux, on compte Pierre Godard de l’Institut Pprime (CNRS) de Poitiers. Le projet PtyMet (Ptychographie 3D de Bragg : développements pour les films minces métalliques nano-maclés) qu’il coordonne a été financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) pour une durée de 4 ans à partir de janvier 2020.

Pierre Godard et son équipe explorent différents procédés de laboratoire, dans le but d’obtenir des métaux avec des caractéristiques variables selon les possibles applications futures. Comment obtenir des métaux plus ductiles, avec une majeure résistance mécanique, une plus grande flexibilité ou conductivité électrique ? Pour comprendre cette recherche, il faut s’immerger au cœur de la matière et revoir les fondamentaux de la structure cristalline.

À la recherche des cristaux idéaux

Dans la nature, on trouve beaucoup de cristaux, pas seulement dans les pierres précieuses ! En effet, l’état cristallin de la matière est assez commun. Tous les métaux, par exemple, sont composés de plusieurs petits cristaux assemblés par des joints. Ces cristaux, appelé en jargon grains, peuvent varier selon l’orientation, la taille et la façon dont ils sont agencés, déterminant les propriétés du métal. Ainsi, quand les cristaux sont gros il y a moins de joints et l’électricité passe mieux. Le métal ainsi composé est un bon conducteur et pourra être utilisé pour un fil électrique. En revanche, quand les cristaux sont plus petits et les joints plus nombreux, le métal est plus résistant à la déformation et c’est l’idéal pour la visserie ou la carrosserie d’une voiture. En somme, si on veut maîtriser les propriétés d’un métal qu’on est en train de fabriquer, il faut agir sur la manière dont les grains sont organisés entre eux.

La clé est dans les joints

Il existe un type particulier de joint avec des caractéristiques spéciales, le joint de macle, défini comme une séparation entre deux cristaux symétriques. C’est rare dans la nature, mais depuis peu les scientifiques savent le créer en laboratoire. Et c’est le pain quotidien de Pierre Godard, qui joue avec la taille des cristaux et insère des macles dans des fines couches (films) d’or ou de cuivre. De cette manière, il crée des nouveaux matériaux métalliques avec des nouvelles propriétés qu’il testera ensuite. Par exemple, en ajoutant des macles ou en diminuant la taille des grains, les matériaux deviennent plus solides, mais la conductivité électrique est préservée dans le premier cas, diminuée dans le second.

 

Des manipulations à l’échelle de l’atome

Les films minces produits pour le projet PtyMet sont des échantillons métalliques de la longueur et largeur d’un centimètre et de l’épaisseur de moins d’un micromètre (un millionième de mètre). En effet, les atomes d’or ou de cuivre sont déposés couche par couche, à la vitesse d’un ångström (moins d’un milliardième de mètre) par seconde. Après un certain nombre de passages, le film métallique est déposé sur du plastique. On pourra tester, alors, s’il est assez souple pour produire des outils de microélectronique flexibles.

Des applications très variées

Le développement de cette technologie aura, très probablement, un impact positif sur la transition énergétique. Comme déjà dit, l’utilisation d’éléments microélectroniques flexibles pourra contribuer à une plus grande diffusion des capteurs solaires et, par conséquent, à augmenter la part d’énergie provenant des sources renouvelables.

De plus, la possibilité de positionner des panneaux flexibles à des endroits pas ou peu visibles éviterait la pollution visuelle d’un paysage naturel, ainsi que le phénomène NIMBY (not in my backyard – même les gens qui approuvent l’installation des panneaux solaires n’en veulent pas à proximité de leur habitation).

En outre,  les nouveaux matériaux seront plus faciles à gérer lors de la fin de vie des objets qui les contiennent. Et ça parce que depuis toujours, pour améliorer les performances des matériaux, on crée des alliages : on mélange des matières premières qui ensuite seront difficile à séparer lors du recyclage. En revanche, dans le laboratoire de Pierre Godard on utilise un seul métal à la fois, or ou cuivre, donc le recyclage est très simple.

Dans un tout autre domaine, la médecine profitera également de circuits électroniques et batteries flexibles, mais surtout ductiles. Pensons aux capteurs « intelligents » ou connectés, mais aussi à la réparation des tissus, comme le muscle, qui ont besoin d’être étirés pour fonctionner.

Or, des objets de microélectronique flexibles – comme des écrans d’ordinateurs ou de téléphone – existent déjà, mais nous ne sommes qu’à l’aube de cette technologie, l’exploration continue ! C’est pourquoi Pierre Godard et les collègues du projet PtyMet se sont donné le défi passionnant de concevoir des nouveaux matériaux qui n’existent pas encore sans se soucier, dans cette première phase, des applications. Parce qu’on ne sait pas ce que le futur nous réserve.

 

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